Matthieu Delaporte & Alexandre De La Patellière
Le célèbre duo Mattieu Delaporte & Alexandre De La Patellière s’est rendu au contact des étudiants au sein de l’école ESIS au campus de Paris.
Fils de médecin, Matthieu Delaporte suit des études d’histoire à la Sorbonne, puis un cursus à Sciences-Po Paris dans l’optique de tenter les concours administratifs. Mais il ne tarde pas à s’apercevoir que cette voie n’est pas pour lui. « Il ne m’a fallu que deux jours de cours pour réaliser que je me fourvoyais », confie-t-il. C’est l’écriture qui le tente vraiment et, dès cette époque, une histoire le hante – celle d’un garçon qui cherche à se suicider et qui est interrompu par son voisin. « Le pitch était assez simple : mon personnage tentait de se tuer, mais une musique de Daniel Guichard, provenant de l’appartement d’à côté, l’en empêchait. Il toquait à la porte de son voisin pour lui expliquer qu’on ne peut pas se supprimer en écoutant ce genre de chanson. S’ensuivait une discussion sur la variété française, l’importance de la musique, le sens de la vie… », se souvient Matthieu Delaporte. Un argument qu’il reprendra dans sa pièce, 1h22 avant la fin, montée en 2022.
De son côté, Alexandre De La Patellière, fils du réalisateur Denys de La Patellière (à qui on doit plusieurs classiques du cinéma français comme Du rififi à Paname et Le Tatoué), s’essaie très tôt à l’écriture avec deux épisodes de la série Maigret. Puis, il pilote le développement des longs métrages d’une société de production. Au milieu des années 1990, il fait la connaissance de Matthieu avec qui il noue une solide amitié. Âgés d’environ 25 ans, ils commencent à écrire pour Canal Plus – l’un pour Karl Zéro, l’autre pour Dominique Farrugia – avant de travailler sur des projets de commande. « Nous avons appris le métier en travaillant à la commande sur des projets de studio », se souvient Alexandre de La Patellière. « Nous étions parfois consternés du résultat. » C’est grâce au producteur Aton Soumache qu’ils écrivent alors à deux un ambitieux long métrage d’animation, intitulé Renaissance (2004), plongeant le spectateur dans un Paris futuriste. Même si le film se solde par un échec relatif, ils enchaînent avec une comédie à petit budget, La Jungle (2006), réunissant deux acteurs débutants, Guillaume Gallienne et Patrick Mille.
En 2010, Matthieu et Alexandre signent leur première pièce de théâtre, Le Prénom, qui connaît un immense succès. L’idée d’un prénom polémique pour un futur enfant, qui cristallise des conflits souterrains au sein d’une bande d’amis, permet aux deux auteurs d’aborder les rancœurs non dites, le rôle assigné à chacun dans un groupe, les préjugés de classe – et, surtout, de susciter les rires du public grâce à des situations et des répliques devenues cultes. Matthieu intervient : « C’est comme dans un repas de famille, vous passez sans cesse du coq à l’âne. Nous venons tous les deux de familles très politisées où l’engueulade est un sport hebdomadaire. Dans une engueulade, on se chauffe, puis ça se détend, ça devient un peu mou. » Alexandre renchérit : « Nous avions envie de nous promener entre les humeurs et que les spectateurs venus voir cette histoire de prénom se demandent ce qu’il se passe quand elle est réglée au bout de 30 minutes. Puis qu’ils commencent à se dire que tout ça pourrait mal finir. » Le triomphe est tel qu’ils décident de porter la pièce à l’écran en 2011. Nouveau succès. Le secret de leur écriture conjointe ? « L’ennemi, au théâtre, c’est le bavardage. Pour que ça reste à l’os, il vaut mieux construire ensemble et se séparer les scènes », note Alexandre. Et Matthieu d’acquiescer : « La musique du dialogue est personnelle. Elle vient mieux seul qu’à deux. On commence par construire le chemin de fer de la pièce ensemble pendant des mois sans rentrer dans le dialogue. Sinon ce n’est plus la narration qui guide la pièce mais ce sont des scènes. Et c’est plus dur d’abandonner un dialogue qu’une idée de dialogue. »
Si Matthieu réalise seul Un illustre inconnu (2013), captivante réflexion sur l’identité portée par un extraordinaire Kassovitz, les deux hommes coécrivent le diptyque Papa ou Maman (2015-2016), irrésistible comédie du remariage, réalisé par Martin Bourboulon et produit par Dimitri Rassam. L’occasion de conforter les liens entre les deux auteurs, le réalisateur et le producteur dans une combinaison gagnante. C’est ainsi que Matthieu et Alexandre signent Le Meilleur reste à venir (2019), comédie dépressive, interprétée par Patrick Bruel et Fabrice Luchini – et produite par Rassam –, autour de deux amis d’enfance qui décident de tout plaquer pour vivre intensément ce qu’ils croient être les derniers mois de leur vie. Trois ans plus tard, ils s’attellent à l’adaptation des Trois Mousquetaires, projet également produit par Rassam et réalisé par Bourboulon. Cette fresque qui rappelle le cinéma de Philippe de Broca et de Jean-Paul Rappeneau séduit largement le public. Mais c’est avec Le Comte de Monte Cristo que les deux auteurs parviennent au sommet de leur art, réunissant qualité de l’écriture, souffle romanesque, inventivité de la mise en scène et intelligence de la direction d’acteurs. Triomphe critique et public – le film dépasse les 9 millions d’entrées malgré sa durée de 3 heures –, Monte Cristo a déjà conquis la critique américaine. Sans jamais se reposer sur leurs lauriers, Matthieu Delaporte et Alexandre De La Patellière se sont déjà remis au travail pour leur nouveau projet : Les Rois Maudits…